
Depuis quelques jours, je ressens un profond malaise.
Il y a, en ce moment, des discussions en Guadeloupe et en France sur l’abrogation officielle du Code noir, ce texte de 1685 qui a organisé et légitimé l’esclavage colonial. Certains saluent ce geste symbolique, d’autres dénoncent une manœuvre pour éviter la question des réparations. Mais tous s’accordent sur une chose : ce texte incarne une domination inscrite dans la loi, qui a structuré des siècles d’inégalités.
Et c’est là que ma gêne devient plus grande encore : pendant que l’on débat de l’héritage d’un code vieux de plus de 300 ans, une autre forme de colonisation s’installe silencieusement sous nos yeux — celle du numérique.
Comme le Code noir a figé un système d’exploitation et de déshumanisation, le numérique d’aujourd’hui, s’il reste dominé par d’autres, risque de figer de nouvelles dépendances. Nous voyons déjà :
- Nos données personnelles et de santé quitter nos territoires pour des serveurs étrangers.
- Nos enfants grandir avec des IA biaisées, qui ne parlent pas créole et ne comprennent pas notre réalité.
- Nos créateurs s’adapter à des algorithmes qui ignorent nos cultures.
Alors que nous débattons encore du passé, l’avenir se joue sans nous. Et dans cette course, l’enjeu n’est pas symbolique : il est vital.
De la frustration individuelle au constat collectif alarmant
Reconnu internationalement, ignoré localement.
Ce paradoxe vécu par tant de talents caribéens révèle une réalité terrifiante : pendant que nous débattons de statuts, une nouvelle forme de domination s’installe sans bruit.
Ma situation personnelle n’est qu’un symptôme. Le vrai mal est systémique.
La prophétie de Kevin O’Leary se réalise sous nos yeux
L’investisseur l’a dit : “Le pays avec la meilleure IA et les centres de données gagnera les guerres futures.”
Mais où sommes-nous dans cette course ?
🏥 Nos données de santé → serveurs étrangers
🎓 Nos enfants → plateformes qui aspirent leurs données
💰 Nos transactions → algorithmes étrangers
🎵 Nos artistes → algorithmes qui ne les rémunèrent pas
Nous produisons le “miel numérique”, d’autres récoltent la richesse.
Le danger insidieux des biais de l’IA
Et il y a un danger encore plus insidieux : les biais de l’IA.
Les intelligences artificielles dominantes sont créées par et pour l’Occident. Elles ne nous comprennent pas, ne parlent pas créole, ignorent nos réalités climatiques, sociales et familiales.
Résultat :
- Nos enfants grandiront avec une IA qui leur expliquera le monde à travers un regard qui n’est pas le leur.
- Nos créateurs devront se conformer à des algorithmes incapables de saisir notre culture.
- Nos décideurs s’appuieront sur des outils aveugles à nos spécificités.
L’IA de demain se construit avec les données d’aujourd’hui.
Si nous ne contribuons pas, nous n’existerons pas dans cette IA.
C’est une forme d’effacement programmé.
Le réveil brutal : nous perdons déjà la bataille
En plus de nos talents qui partent et de nos données qui nous échappent, nous faisons face à des dépendances critiques :
- Infrastructure numérique : câbles sous-marins contrôlés par des puissances extérieures, rendant nos communications vulnérables.
- Centres de données : absence totale de souveraineté sur le stockage et le traitement de nos informations stratégiques.
- IA et algorithmes : dépendance complète à des plateformes qui n’intègrent pas nos langues, nos cultures, ni nos besoins.
- Monnaies numériques : risque d’exclusion des futurs systèmes de paiement souverains si nous ne construisons pas notre propre alternative.
Comme le souligne O’Leary avec sa métaphore des abeilles :
- Les puces et l’IA sont la nouvelle “reine”, détenue par les grandes puissances.
- Nos données locales sont le “miel”, qui enrichit ces puissances.
- Nous sommes les “abeilles ouvrières”, qui produisent sans bénéficier de la valeur créée.
Si nous n’agissons pas, nous resterons réduits à ce rôle.
L’urgence des 10 prochaines années
Dans 10 ans = TROP TARD.
Chine : 150 milliards dans l’IA
États-Unis : CHIPS Act
Europe : souveraineté numérique
Nous : spectateurs de notre propre effacement.
Nos enfants nous demanderont :
“Pourquoi avez-vous laissé d’autres décider de notre avenir ?”
Les conséquences de notre inaction
Si nous ne bougeons pas MAINTENANT :
🔴 Nos talents continueront de partir
🔴 Nos données enrichiront des entreprises qui ne nous connaissent pas
🔴 Nos créateurs resteront soumis à des algorithmes qui les ignorent
🔴 Nos territoires deviendront des colonies numériques
🔴 Notre jeunesse grandira sans modèles de réussite locale
Ma réponse : agir, et agir ENSEMBLE
Face à ces constats, je refuse de rester spectateur.
Depuis 4 ans, je porte le projet KATCHIMEN — un écosystème numérique caribéen où nos créateurs peuvent valoriser leurs œuvres sans enrichir les GAFAM.
🌐 CARICOM 2.0 et Katchimen : agir à tous les niveaux
La CARICOM 2.0 est une vision stratégique : une alliance technologique des États caribéens pour construire une souveraineté numérique partagée, mutualiser nos infrastructures, et peser ensemble dans les négociations mondiales.
Mais nous n’avons pas le luxe d’attendre les États.
Chacun peut et doit agir à son niveau.
C’est pourquoi, à mon échelle, j’ai créé Katchimen : un écosystème numérique caribéen, pensé comme un carrefour (katchimen en créole) où nos créateurs, entrepreneurs et citoyens peuvent valoriser leurs œuvres, maîtriser leurs données, et construire un avenir numérique enraciné dans nos cultures.
Katchimen est une première pierre.
CARICOM 2.0 sera le toit commun.
Mais l’édifice doit commencer MAINTENANT.
Comment agir dès aujourd’hui ?
✅ Soutenir ou créer des projets numériques locaux (comme Katchimen)
✅ Favoriser l’hébergement local ou souverain des données
✅ Mobiliser la diaspora comme alliée, pas comme perte
✅ Sensibiliser autour de vous sur l’urgence de la souveraineté numérique
✅ Exiger de nos décideurs une stratégie numérique ambitieuse
Êtes-vous prêt(e) à sortir du rôle de spectateur ?
Ou préférez-vous regarder notre région devenir une colonie numérique ?
Le choix se fait MAINTENANT.
De l’introspection à l’urgence collective. Partagez cet appel si vous refusez de rester spectateur.
⏰ Dans 10 ans, il sera trop tard. Que faisons-nous AUJOURD’HUI ?