

Un réveil brutal en pleine saison cyclonique
Hier, j’évoquais les enjeux de souveraineté numérique pour nos territoires. Aujourd’hui, l’actualité nous offre un exemple concret et dramatique : à partir du 31 juillet 2025, les États-Unis vont couper l’accès aux données satellitaires cruciales pour prévoir les ouragans dans l’Atlantique.
Cette décision du Pentagone, justifiée par des “risques de cybersécurité” sans plus de détails, va directement impacter la sécurité de nos populations insulaires. Pour la Guadeloupe, la Martinique, Saint-Martin et Saint-Barthélemy, c’est un retour en arrière de plusieurs décennies dans notre capacité à anticiper les cyclones.
L’invisibilité soudaine des tempêtes
Les satellites militaires américains du programme DMSP fournissent des données micro-ondes uniques qui permettent de “voir” à l’intérieur des cyclones, même la nuit et sous la couverture nuageuse. Ces informations sont essentielles pour détecter l’intensification rapide des tempêtes en haute mer, là où nos radars terrestres ne portent pas.
Concrètement, nos radars Météo-France aux Antilles ont une portée limitée à environ 400 km. Au-delà, nous dépendons entièrement de ces données satellitaires pour surveiller les phénomènes qui se forment et s’intensifient au large, parfois à des milliers de kilomètres de nos côtes.
Résultat : nous revenons à une prévision cyclonique comparable à celle de 1999, avec tous les risques que cela implique pour nos vies et nos biens.
Une dépendance révélée, une vulnérabilité assumée
Cette coupure unilatérale révèle crûment notre dépendance technologique. Météo-France ne dispose pas de satellites météorologiques nationaux et s’appuie sur une coopération internationale fragile. Les satellites européens (Meteosat, MetOp) ne fournissent pas le même type de données micro-ondes que ceux qui vont nous être retirés.
Nous voilà donc à la merci d’une décision prise à Washington, sans consultation, sans préavis suffisant, en pleine saison cyclonique. C’est exactement ce que j’évoquais hier : nos territoires insulaires subissent les conséquences de choix géopolitiques sur lesquels nous n’avons aucun contrôle.
L’illusion de la coopération internationale
On nous parle souvent de “coopération internationale” et de “partenariats stratégiques”. Cette affaire montre la réalité : quand les intérêts américains l’exigent, la coopération s’arrête net. Peu importe que des vies humaines soient en jeu dans la Caraïbe, peu importe que nous soyons en pleine saison cyclonique.
Les experts sont unanimes : cette décision va “sérieusement dégrader la qualité des prévisions d’ouragans” pour tous les pays dépendants de ces données. Nous sommes dans cette catégorie, que cela nous plaise ou non.
Au-delà de la météo : un enjeu de souveraineté globale
Cette affaire dépasse largement la météorologie. Elle illustre parfaitement les enjeux subtils de la dépendance technologique que vivent nos territoires insulaires :
- Dépendance aux infrastructures spatiales : satellites, réseaux de communication, systèmes de navigation
- Dépendance aux données : informations météo, mais aussi financières, sanitaires, sécuritaires
- Dépendance aux algorithmes : systèmes de prévision, d’alerte, de gestion de crise
Chaque fois qu’une décision est prise ailleurs, sans nous, nous en subissons les conséquences directes sur notre sécurité et notre vie quotidienne.
Vers une résilience technologique insulaire
Face à cette réalité, plusieurs pistes s’ouvrent :
À court terme, exiger de l’État français qu’il négocie des accords bilatéraux garantissant l’accès aux données critiques, quitte à payer pour ces services essentiels.
À moyen terme, développer des partenariats régionaux dans la Caraïbe pour mutualiser les investissements technologiques et réduire notre dépendance collective.
À long terme, repenser notre modèle de développement technologique en privilégiant l’autonomie stratégique sur les secteurs critiques : observation spatiale, communication, prévision météorologique.
L’urgence d’une prise de conscience
Cette affaire des satellites météo n’est que la partie visible de l’iceberg. Demain, ce pourront être les données de géolocalisation, les systèmes de communication, les plateformes de commerce électronique, les réseaux sociaux ou les services bancaires.
Nos territoires insulaires ne peuvent plus se permettre de subir ces dépendances. Il nous faut développer une vision stratégique de notre autonomie technologique, secteur par secteur, service par service.
La souveraineté numérique n’est pas un concept abstrait : c’est une question de survie pour nos populations, comme nous le démontre tragiquement cette coupure des données cycloniques.
Conclusion : reprendre le contrôle
Face aux ouragans comme face au numérique, nous ne pouvons plus nous permettre d’être spectateurs de notre propre sécurité. Cette affaire doit servir d’électrochoc pour nos décideurs politiques, nos entreprises et nos citoyens.
Il est temps de passer des discours aux actes : investir dans notre autonomie technologique, diversifier nos partenariats, développer nos capacités propres. Parce que la prochaine fois, il pourrait être trop tard.
Je vous invite à partager massivement cette information pour sensibiliser nos populations insulaires aux enjeux cachés de la dépendance technologique.