
Réflexions d’un père, technophile et observateur du monde qui change
Le 27 mai, j’ai eu 46 ans.
Et avec cet anniversaire, une vague intérieure m’a traversée.
À ce stade de la vie, je me sens au milieu du mètre :
46 centimètres déjà vécus. Et, si tout va bien, encore autant à construire.
Professionnel de la musique ayant survécu à l’effondrement de l’industrie avec l’arrivée du MP3.
Citoyen guadeloupéen témoin privilégié des paradoxes de notre époque.
Père qui voit ses propres parents se transformer lentement en enfants fragiles qu’il faut désormais protéger.
C’est peut-être pour cela que certaines questions deviennent plus pressantes.
Où allons-nous ? Et surtout : où, moi, je choisis d’aller ?
Ces trois regards se nourrissent mutuellement et dessinent ma responsabilité d’aujourd’hui.
La Guadeloupe, un miroir du monde ou quand le paradoxe devient révélateur.
Ici, nous vivons dans ce que j’appelle un laboratoire à ciel ouvert.
Ni tout à fait pays en développement, ni complètement intégré au monde dit développé.
Chaque jour, nous expérimentons les tensions entre plusieurs mondes :
Entre tradition et modernité,
Entre solidarité culturelle et individualisme importé,
Entre dépendance structurelle et désir d’autonomie.
Ces paradoxes ne sont pas des faiblesses : ils sont révélateurs des tensions que traverse l’humanité entière.
Plutôt que de les subir, je crois que nous pouvons les lire comme des signes.
Notre position nous offre une perspective privilégiée qui permet de voir que ce que nous vivons en Guadeloupe éclaire, parfois avec cruauté, ce qui se joue partout ailleurs.
Dans ma vie professionnelle, j’ai déjà traversé une première secousse : l’arrivée du MP3, la dématérialisation, l’effondrement de l’économie musicale traditionnelle.
Aujourd’hui, une nouvelle vague de disruption arrive :
Ces technologies arrivent à grands pas:
intelligence artificielle, robotique, autonomie énergétique, thérapies géniques, interfaces neuronales…
Ce mois-ci, aux États-Unis, les premiers véhicules totalement autonomes seront autorisés sur les routes. Des dents qui repoussent, des diagnostics médicaux instantanés, des robots compagnons… Ce n’est plus de la science-fiction.
Cette convergence est fascinante. Mais elle est aussi inquiétante, si elle reste pilotée par un système économique qui privilégie la rentabilité au détriment du sens.
En réalité, ce n’est pas la technologie en elle-même qui pose problème.
C’est l’usage qu’on en fait, et surtout, la logique dans laquelle elle s’inscrit.
Tout outil d’émancipation peut devenir un levier d’asservissement — selon l’intention qui le guide, mais ma conviction est simple :
Ce n’est pas la technologie qui déshumanise. C’est la manière dont un certain modèle économique l’utilise.
Quand l’outil devient finalité, quand l’optimisation remplace la relation, quand on choisit que la machine dicte nos choix…
Alors il devient urgent de reprendre la main, de penser autrement.
La décolonisation des esprits est urgence de notre temps.
Nous devons aller plus loin que la critique, opérer une décolonisation des esprits radicale.
Il ne suffit plus de constater les travers d’un capitalisme algorithmique.
Nous devons initier une décolonisation mentale :
reprendre le contrôle de notre rapport à la technologie, à la consommation, à la définition même du progrès.
Retrouver la maîtrise de notre temps et de notre attention
Réconcilier excellence et bienveillance
Valoriser la création locale et la transmission
Cette transformation passe par l’éducation, la réflexion critique, la communauté et surtout par la construction d’alternatives locales et humaines. Elle nécessite de résister à cette « course à la médiocrité », où l’excellence individuelle et collective semble délaissée au profit d’un conformisme appauvrissant.
Mes questions pour nous tous
Comment concilier innovation technologique et préservation de nos valeurs humaines ?
Comment transformer notre position de laboratoire en avantage pour construire un modèle de société plus équilibré, plus éthique, plus ancré ?
Comment transmettre à nos enfants les clés pour naviguer dans ce monde en mutation sans y perdre leur âme ?
Comment, à notre échelle, réconcilier progrès et sens ?
Une quête personnelle, un appel collectif
Depuis plusieurs mois, je consacre une part importante de mon temps à étudier cette histoire encore inédite qui lie: technologie, économie, politique, éthique, culture, mémoire.
Je lis, j’écoute, j’écris. Non pas pour fuir en spectateur passif, mais pour m’équiper en acteur conscient de sa responsabilité.
Je veux partager ce chemin, avec celles et ceux qui, comme moi, refusent la résignation.
Cette métaphore du mètre me hante et me motive : que vais-je faire des centimètres qu’il me reste ? Je choisis l’engagement bienveillant, la réflexion profonde et l’action locale guidée par un impact global.
Nous ne pouvons pas choisir le monde dans lequel nous naissons.
Mais nous pouvons choisir celui que nous aidons à construire.
La Guadeloupe peut devenir un modèle. Nous avons cette chance unique d’expérimenter, d’innover, de créer des solutions qui respectent à la fois notre humanité et notre aspiration au progrès.
Si comme moi vous êtes interpellé par ces enjeux, si vous portez des réflexions similaires ou complémentaires, partageons nos regards. L’intelligence collective sera notre meilleure boussole dans ce monde qui se réinvente.
L’intelligence, comme l’énergie n’a pas de polarité intrinsèque; elle prend la direction et la valeur que lui donne l’intention qui la guide.
Et vous ? Que construisez-vous en ce moment ?
Comment envisagez-vous l’équilibre entre progrès technologique et préservation de nos valeurs humaines ?
Guadeloupe #Réflexion #Technologie #Éthique #Décolonisation #Humanité #InnovationResponsable #ÉquilibreVie
📸 by Happyman©GuillaumeAricique
Hello Thierry,
Merci pour le partage de cette réflexion ! Beaucoup peuvent s’y retrouver… Je serai ravie de la publier dans Le Courrier de Guadeloupe. Nous avons une rubrique « tribune libre » dédiée à la pensée locale. L’idée est de copier-coller le texte, illustré avec la photo, et en point final mettre le lien vers ton site. Es-tu intéressé (avec aussi l’accord du photographe) ?
Amitiés
Célia
Votre engagement m’émeut en même temps me rassure sur la force et l’intelligence de la jeunesse de mon pays. Vous avez un regard sain, une conviction certaine.
Ce sont des réflexions que je porte, pas sur un champ aussi large.
Comment transmettre quand tout semble être biaisé ?
Comment partager quand ton quartier se vide et ceux qui restent sont isolés à tout point de vue.
Comment rester un humain vivant, engagé, quand autour de toi le monde s’écroule.
Bien sûr, je lus, je sors, j’échange et me cultive. Je suis allée plus loin en créant un lieu où je permets à ceux qui le souhaitent de se ressourcer, de consommer local , de se cultiver et surtout moi, de réapprendre à apprendre, de me re-connecter à notre monde, après chaque rencontre, chaque échange.
Merci pour votre réflexion.
Je garde la foi et je m’aime. 🙏